L’anxiété de performance

Il n’y a pas une seule bonne manière de faire du sexe et, pour passer un chouette moment, l’entrée en érection des organes sexuels et l’obtention d’un orgasme ne sont pas forcément des conditions nécessaires. On n’est pas des machines et être un·e bon·ne partenaire n’implique pas d’avoir des réactions physiologiques au garde à vous. 

Cela dit, lorsque le script sexuel ne se déroule pas comme on l’a prévu, cela peut générer de la frustration voire de l’anxiété chez certains d’entre nous. Problème : il arrive que l’inquiétude de ne pas être suffisamment performant·e s’installe et provoque des difficultés lors des rapports sexuels suivants. Le cercle vicieux est en place… C’est ce qu’on appelle l’anxiété de performance.

L’anxiété de performance prend la forme de pensées intrusives comme “il faut que j’arrive à être plus excité·e” ou “je risque de décevoir ma/mon partenaire”. Elle peut surgir n’importe quand, mais elle est plus susceptible de se manifester lorsqu’on se met la pression, par exemple parce qu’on veut vraiment que ça marche avec notre partenaire, ou parce qu’on se trouve face à un·e nouvel·le partenaire. Le fait de scruter avec inquiétude l’apparition de sa réponse sexuelle (“attends deux minutes, ça va venir”) – et de désespérer quand celle-ci n’arrive pas – nous fait endosser le rôle de spectateur·ice de nous-même, ce qui nous distrait du moment présent. En accordant moins d’attention à l’expérience sensuelle, aux pensées excitantes et aux sensations érotiques, on diminue ses chances de voir les réactions génitales attendues se manifester. En effet, celles-ci ne sont pas contrôlables, on ne peut pas simplement décider de les provoquer ! De plus, lorsqu’on guette désespérément leur apparition, on génère un surcroît d’anxiété, laquelle est un frein terrible au bon fonctionnement de l’excitation sexuelle.

Porter trop d’attention sur la “performance” peut donc compliquer l’apparition des réactions génitales d’excitation, voire la rendre impossible. Si cela arrive à votre partenaire, il est compréhensible que vous vous sentiez un petit peu frustré·e… Cependant, si vous le pouvez, essayez de ne pas provoquer plus de culpabilité chez la personne concernée, et surtout évitez les propos humiliants qui peuvent faire beaucoup de dommages et pour longtemps ! Tentez de dédramatiser ou de proposer quelque chose pour orienter son attention sur les sensations érotiques autres que génitales : par exemple se toucher l’un l’autre tout le corps, à tour de rôle, en conscience et en essayant différents types de caresses…

Par ailleurs, il faut bien comprendre que les difficultés provoquées par l’anxiété de performance n’ont souvent rien à voir avec un manque d’intérêt à l’égard du ou de la partenaire. Une mauvaise idée serait de se dire “ça ne fonctionne pas, on arrête tout” sous prétexte que ça ne se passe pas parfaitement comme on l’imaginait. Recentrer son attention sur autre chose que l’anxiété est un bon moyen de retrouver ses réactions génitales d’excitation habituelles, mais aussi de découvrir d’autres caresses plus sensuelles, d’autres façons de prendre du plaisir et d’en donner.

Avoir de temps en temps un rapport qui ne se déroule pas comme on l’aurait voulu, ça arrive à tout le monde ! Pas besoin d’être anxieux·se après. Toutefois, si cela se produit quel que soit le contexte et le/la partenaire, ou bien que la difficulté devient de plus en plus fréquente, il ne faut pas hésiter à consulter un·e professionnel·le de santé sexuelle.

 

Quelques pistes pour tenter de rendre moins bruyante son anxiété de performance

– Se souvenir que le sexe est un moment de plaisir et d’intimité partagés et qu’on n’est pas tenu·e de fournir une prestation ! Donc être indulgent·e, doux/se et bienveillant·e envers soi-même et son/sa partenaire.

– Accepter que les relations sexuelles ne se déroulent pas toutes comme prévu. C’est le cas pour tout le monde et c’est NORMAL ! Visualisez un panneau STOP lorsque des spirales de pensées négatives s’installent (“je suis nul.le, je suis si frustré.e, je n’y arriverai jamais”, etc.). Les ruminations entretiennent la difficulté alors mieux vaut se concentrer sur ce qu’on a apprécié dans l’expérience.

– Apprendre à redécouvrir et à apprécier les sensations érotiques non génitales. Le corps entier est réceptif. Savourez les caresses en conscience, tant celles que vous offrez que celles que vous recevez. Fermez les yeux pour mieux ressentir la douceur de la peau, l’odeur de votre partenaire, les délicieux frissons que vous éprouvez et ceux que vous faites naître sous vos doigts…

– S’entraîner de temps en temps, et en dehors des relations sexuelles, à augmenter le contrôle de son attention via des exercices de méditation de pleine conscience par exemple. Pendant le rapport, prenez quelques profondes respirations abdominales pour se recentrer sur ses sensations corporelles et sur le moment présent.

– Ne pas comparer avec la sexualité vue dans les pornos mainstream qui est une sexualité de fiction (aussi éloignée de la vraie sexualité qu’un film d’action avec la vraie vie), avec des acteur·ices sélectionné·es (dont l’érection est souvent aidée par la prise de produits) et filmé·es lors de plusieurs prises pour donner l’illusion d’un rapport long et continu.

– Tenter de repérer ses pensées parasites et remettre ses croyances en question.  Quelles sont les conséquences que je crains exactement ? Ces craintes sont-elles justifiées ? Mon ou ma partenaire a-t-iel réellement les attentes que je lui prête ?

– Et surtout COMMUNIQUER : expliquer à l’autre ce qui vous arrive et ce qui pourrait peut-être vous aider. Quand la confiance est là, votre partenaire est votre allié·e !