Les comportements sexuels considérés comme normaux sont le reflet des valeurs et des objectifs d’une société à un moment donné. Très souvent, les pratiques sexuelles s’éloignant du rapport hétérosexuel permettant la conception d’un bébé ont été – ou sont encore – assimilés à des « perversions ».
Avec une norme si étroite, le nombre de pratiques considérées comme déviantes est élevé ! Ainsi, homosexualité, cunnilingus, fellation, sodomie, masturbation, sexe à plusieurs etc. ont été, ou sont toujours, réprimés socialement voire pénalement dans de larges parties du monde.
Toutefois, depuis les années 1970, les activités sexuelles non reproductives sont de plus en plus vues comme légitimes dans de nombreux pays. Le développement de la contraception hormonale, la légalisation de l’IVG, la dépénalisation de l’homosexualité ont souvent marqué des étapes dans cette évolution.
La ligne entre les pratiques acceptées par la société et celles qui suscitent la réprobation sociale (ou pénale) s’est déplacée, laissant beaucoup plus de pratiques du côté « ok, liberté individuelle, pas de jugement » de la ligne. Mais où se situe désormais cette ligne ?
La nouvelle frontière entre les activités sexuelles considérées comme relevant de la liberté individuelle et celles que la société condamne, vous l’avez probablement deviné, c’est le consentement. Mais aussi la souffrance, celle que l’on ressent ou que l’on inflige aux autres. Le critère du consentement fait de plus en plus l’unanimité, et c’est une bonne nouvelle !
Des classifications médicales (le DSM, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, manuel diagnostique de l’Association des Psychiatres Américains (APA) ; la CIM, Classification Internationale des Maladies, rédigée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)) catégorisent encore ce qu’on appelle désormais des paraphilies. Ce nouveau terme, qui a l’avantage d’éviter toute référence à la morale, a remplacé les mots perversion et déviation sexuelle.
Les dernières versions de ces classifications (DSM-V et CIM-11) semblent se baser de plus en plus sur le critère du consentement et de moins en moins sur une normalité hétéroreproductive.
Mais que contiennent-elles exactement, quels comportements sexuels sont-ils encore considérés comme pathologiques en Europe et aux Etats-Unis ?
Attention, nous parlons ici de classifications médicales et pas de lois. Il est important de comprendre la différence, même si on retrouve des points communs et des implications réciproques. Ce qui est pathologique ne tombe pas forcément sous le coup de la loi, à moins qu’il y ait un acte portant atteinte aux droits d’une autre personne. Les fantasmes, par exemple, sont libres quelle que soit leur nature, et c’est tant mieux !
Le DSM-V (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), définit le concept de paraphilie comme “tout intérêt sexuel intense et persistant, autre que l’intérêt sexuel pour la stimulation génitale ou les préliminaires avec un partenaire humain phénotypiquement normal, sexuellement mature et consentant”.
Ok c’est complexe, mais on comprend déjà que les activités sexuelles et même les fantasmes (à condition d’être très forts) qui impliquent des individus non consentants, des enfants, des objets, des animaux sont considérés comme pathologiques.
En avançant dans la lecture du DSM V, on trouve une liste qui nous éclaire davantage. Les principaux troubles paraphiliques traités dans le DSM sont : “le trouble voyeurisme (espionner des personnes dans leur vie privée), le trouble exhibitionnisme (exposer ses organes génitaux), le trouble frotteurisme (toucher ou se frotter contre une personne non consentante), le trouble masochisme sexuel (subir des humiliations, des souffrances, se faire attacher), le trouble sadisme sexuel (infliger des humiliations, des souffrances, ou attacher quelqu’un), le trouble pédophilie (sexualité orientée vers les enfants), le trouble fétichisme (utilisation d’objets ou intérêt hautement spécifique pour des parties non génitales du corps) et le trouble transvestisme (excitation sexuelle due au fait de se travestir)”.
Il est important de noter que le DSM distingue les paraphilies des troubles paraphiliques. Pour qu’il y ait un véritable trouble, il faut ainsi que la paraphilie soit la cause d’une “détresse”, d’une “altération du fonctionnement”, d’un “préjudice personnel” chez l’individu, ou encore d’un “risque de préjudice pour d’autres personnes”.
Cette nuance rassurera notamment les adeptes du BDSM : si leurs fantasmes ou activités ne leur causent ni malaise ni détresse, et qu’ils ne risquent pas de porter préjudice à leurs partenaires, le DSM-V ne considère plus qu’ils présentent un trouble. Quant à la CIM-11, elle va encore plus loin en excluant de sa liste remise à jour le fétichisme, le transvestisme fétichiste et le sadomasochisme.