Le BDSM

 

Avant toute chose, pour qu’on comprenne bien de quoi on parle, on va vous donner des exemples concrets.

BDSM, c’est l’abréviation de “bondage/discipline, domination/soumission, sado-masochisme”. C’est un terme qui regroupe un ensemble de pratiques assez vaste.

À noter : bien qu’on y trouve souvent de l’excitation sexuelle et du plaisir, le sexe n’est pas obligatoirement une composante de celles-ci. Par opposition, pour parler des pratiques “classiques” hors BDSM, on parle souvent de pratiques “vanille”.

– Le bondage : il s’agit d’immobiliser le corps, d’une façon ou d’une autre. Cette pratique demande une certaine technique, pour s’assurer que le ou la partenaire attaché·e est confortable et en sécurité (on y reviendra).

– La modification de nos perceptions : un bandeau sur les yeux, des bouchons d’oreille, des huiles ou cires chaudes,… Grâce à ces accessoires, on peut modifier la manière dont on appréhende le monde et les sensations qu’il peut nous procurer.

– La douleur : c’est un aspect qui peut effrayer le néophyte. Mais d’une part, ce n’est pas une constante en BDSM, car les sensations recherchées peuvent être les différents touchers, de la caresse au coup sourd mais sans douleur, et d’autre part, la douleur est ressentie différemment dans un cadre sexuel safe et consenti. C’est bien sûr un aspect qui demande beaucoup de maîtrise et de communication.

– Le jeu de rôle : on incarne un personnage différent de notre identité habituelle (un métier du soin ou associé au pouvoir, une époque historique particulière, des animaux, des serviteurs/esclaves…). La scène peut aller très loin dans le réalisme : costumes, décors, objets sont parfois utilisés.

– La domination et la soumission (D/s pour les intimes).

Le BDSM, est-ce que c’est une violence sexuelle ?

Une dynamique de domination/soumission (D/s) est typiquement mise en place pendant les sessions BDSM. On parle aussi d’échange de pouvoir : une personne prête temporairement un certain pouvoir sur son corps à une autre, qui en accepte la responsabilité. Ça se traduit par des ordres donnés et reçus, des simulations d’actes qui seraient considérés comme contraignants ou humiliants dans d’autres situations.

Mais contrairement à une relation abusive, une “vraie” pratique BDSM, qu’elle soit ponctuelle ou régulière, est avant tout consentie par tous les partenaires. Pour l’encadrer et s’en assurer, on définit des règles ensemble. Là où ça devient problématique, c’est quand un ou plusieurs individus utilisent l’étiquette BDSM pour justifier des violences sexuelles ou psychologiques.

Le BDSM ne s’improvise pas. Il se discute au préalable, dans tous ses détails. On met au point des outils pour s’assurer du consentement et de la sécurité psychique et physique de tout le monde tout le long de la séance. On prend soin l’un·e de l’autre avant, pendant et après la séance. On ne peut donc pas persuader quelqu’un de s’engager dans une relation de D/s, parce que le consentement ne peut pas s’obtenir sous la contrainte, la menace, ou la pression.

Le BDSM n’est donc pas intrinsèquement une violence. Des études confirment que les violences sexuelles, le sexisme, et la culture du viol ne sont pas plus présentes chez les pratiquant·es du BDSM que dans la population en général. Ce serait même le contraire, grâce à l’attention portée sur le consentement enthousiaste et systématique de toutes les parties.

Le BDSM, un jeu de rôle

Quand on se renseigne sur le BDSM, on rencontre assez vite le mot “play”, c’est-à-dire “jeu” ou même “scène” dans le sens théâtral. C’est assez parlant !

Car dans le BDSM, on met en scène ses fantasmes, on joue un personnage, on écrit aussi en quelque sorte un scénario. On détermine au préalable les règles, les mots-clés, et les activités que l’on souhaite pratiquer. Cela nécessite de faire la différence entre jeu de rôle et réalité : une fois la scène terminée, on quitte son personnage, et on fait le point sur la scène qu’on vient d’expérimenter. Ces pratiques peuvent être cathartiques : on y exprime des émotions parfois enfouies, on y endosse un rôle qui ne correspond pas à notre personnalité de tous les jours

Un autre terme qu’on retrouve souvent, c’est “négociation”. C’est intéressant parce que ça souligne le côté réglementé, préparé et rationnel d’une relation BDSM. Il existe des checklists de gestes et pratiques à remplir entre partenaires avant de se lancer. On y liste les trucs qui nous excitent et nous paraissent safe, les trucs qu’on n’est pas sûr·e de vouloir faire, les trucs qu’on refuse. En discutant, on trouve ensuite des terrains d’entente, des limites claires, des compromis. Cela dit, la négociation n’est pas un contrat dans lequel on s’engagerait à faire un certain nombre de pratiques : on a toujours le droit de changer d’avis en cours de route, de se rendre compte qu’un acte qui nous paraissait excitant ne nous plait finalement pas.

Ces limites sont à exprimer pour les deux personnes (ou plus) qui s’engagent dans la relation BDSM. Par exemple, si la personne qui va jouer le rôle dominant est mal à l’aise à l’idée d’infliger de la douleur à l’autre, même si celui-ci ou celle-ci est ultra partant·e, c’est une limite qu’il est important de respecter.

 

Si on est tenté, comment commencer ?

Il y a beaucoup de pratiques différentes dans le BDSM, parce qu’il y a beaucoup de gens différents qui le pratiquent. Toutes ne vous correspondront pas. Vous n’en trouverez peut-être qu’une ou deux qui vous paraissent émoustillantes, voire aucune. Ça ne fait pas de vous quelqu’un·e d’ennuyeux·se ou de prude. L’important c’est d’être à l’aise et de prendre son pied ensemble.

Dans certaines villes, il existe des groupes pour s’initier au BDSM. On trouve aussi des livres, des sites internet, des tutoriels pour apprendre (par exemple), dans un cadre non sexuel, comment attacher quelqu’un de manière safe et confortable…

Vous pouvez également découvrir cette pratique grâce à un·e partenaire déjà expérimenté·e. Si iel est kinky et informé·e, c’est un bon point d’entrée dans le monde BDSM, à condition qu’iel vous laisse comprendre, à votre rythme, vos propres limites. Dans tous les cas, choisissez des sources d’information fiables. Ce n’est pas le cas du porno mainstream, notamment.

Enfin, quand on est tenté par le BDSM, mieux vaut y aller progressivement. On peut par exemple commencer par essayer des objets restreignant les mouvements, introduire des instructions ou des ordres particuliers dans des pratiques sexuelles “vanilles” (non BDSM). Toujours en mettant la communication au premier plan, bien sûr !

 

Le BDSM et le soin de l’autre

Outre le consentement, un autre principe est central dans la pratique du BDSM : la sécurité et le bien-être. Certaines pratiques, si elles ne sont pas mises en place correctement, peuvent être dangereuses. On pense à l’étranglement, à la fessée, ou encore à des outils de mauvaise qualité (menottes, cordes, etc.). Si l’on souhaite pratiquer le bondage, il est indispensable d’avoir des ciseaux de secourisme à portée de main pour pouvoir couper la corde.

L’utilisation de “safe words” est également indispensable : ça peut être un système de couleurs, des mots au hasard (mais il faut être capable de s’en souvenir dans le feu de l’action), ou bien des mots plus parlants (“ralentis” et “pouce !” par exemple). L’idée est d’utiliser des mots simples, convenus à l’avance, qui ne peuvent pas être compris comme faisant partie du jeu de rôle. Bien sûr, quand on ne peut pas donner ces indications verbalement, avec un·e partenaire mal-entendant·e ou baillonné·e par exemple, il faut convenir d’autres signes (geste de la main, grelots, etc.).

Des pauses régulières sont nécessaires pour communiquer sur les ressentis de chacun·e et faire des ajustements, décider d’aller plus loin ou non. C’est l’occasion de respirer un coup, ce qui aide à garder les idées claires.

Et après la séance, on doit absolument prendre un temps ensemble (“aftercare” en anglais) pour prendre soin l’un de l’autre, qu’on ait été dans le rôle de soumis·e ou de dominant·e. Physiquement, d’abord. On prend un temps pour l’hygiène, on se nourrit et on s’hydrate, on s’étire, on se masse… Mais l’aftercare concerne aussi le mental. C’est le moment où on peut débriefer, et exprimer librement ses émotions. Et contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, le ou la dominant·e peut aussi se sentir vulnérable. Être à l’écoute c’est important, peu importe son rôle !

Vous avez remarqué ? Tous ces points, qui sont explicités dans tout guide BDSM digne de ce nom, peuvent en fait s’appliquer à toute relation sexuelle…

 

Soumission et féminisme

Les féministes se battent depuis des siècles pour l’égalité de genre. Est-ce compatible avec un rôle de soumission dans le cadre d’une relation BDSM ?

C’est une question qu’on peut se poser, si par exemple on a des fantasmes de contrainte, d’humiliation, etc. Suis-je une mauvaise féministe parce que j’ai envie que mon ou ma partenaire m’attache et m’insulte ? De même, les scénarios de servitude peuvent paraître incompatibles avec une posture anti-raciste.

Premièrement, on n’est pas forcément le même ou la même dans les rôles endossés dans notre vie sexuelle que dans la vie de tous les jours. Une personne habituellement réservée peut se révéler très vocale et sûre d’elle au lit, tandis qu’une personne extravertie et tactile peut ne pas avoir particulièrement envie de relations sexuelles.

De plus, comme nous l’avons dit, le BDSM est une sorte de jeu de rôle : ce n’est pas parce qu’une femme aime la dynamique dominance/soumission dans un cadre particulier qu’elle ne peut pas être féministe dans la vie de tout les jours. De même, prendre un rôle dominant n’est pas synonyme de féminisme, ou de virilité. Une relation D/s n’est pas genrée !

Enfin, si on les étudie de près, on retrouve dans les pratiques BDSM de nombreuses thématiques chères aux féministes : le partage du pouvoir, le contrôle de sa vie sexuelle, l’expression de limites claires, la communication et le consentement dans un cadre sexuel, la reconnaissance et la légitimité du plaisir féminin…