Malheureusement tout le monde ne considère pas la vulve comme une merveille de la nature… Dans plusieurs régions du monde, on taille dans sa chair tendre et ultra sensible, on mutile des enfants ou des jeunes adultes, on met en péril leur vie, leur santé physique et mentale, on sacrifie volontairement leur sexualité.
Il existe plusieurs sortes de mutilations sexuelles féminines*, qui toutes sont des catastrophes pour leurs victimes. Il y a la clitoridectomie, qui consiste en l’ablation du gland du clitoris (l’équivalent masculin serait l’ablation du gland du pénis) et/ou de son prépuce/capuchon. Il y a l’excision, qui consiste en l’ablation du gland du clitoris et des lèvres internes plus parfois des lèvres externes. Et puis l’infibulation, c’est-à-dire l’amputation du clitoris et des lèvres internes, puis la suture des lèvres externes en laissant juste un espace pour l’écoulement du sang menstruel. Lors de la nuit de noces, l’exciseuse doit parfois revenir pour « ouvrir » la vulve…
Les mutilations génitales féminines* n’ont pas seulement des effets terribles sur la sexualité, elles ont également des conséquences très lourdes sur la vie et la santé. 5 à 10 % des fillettes meurent d’hémorragie à la suite des mutilations. Quant aux survivantes, elles peuvent souffrir, entre autres, d’infections, de douleurs chroniques, de stress post-traumatique, de stérilité, de problèmes urinaires, vaginaux, menstruels, etc. Leurs accouchements sont souvent compliqués et les risques de mort maternelle et infantile plus élevés. Selon l’OMS, 200 millions de personnes sont concernées dans le monde. Les associations qui suivent de près ce problème en dénombrent environ 60 000 en France.
*Nous utilisons volontairement le mot “féminine” pour catégoriser ces mutilations : même si la vulve n’est pas uniquement un sexe de femme, les mutilations génitales de la vulve et du clitoris s’inscrivent dans un cadre d’oppression systématique des femmes.
Une avocate française, maître Linda Weil-Curiel, s’est battue pendant des années pour que la justice française prenne les affaires de mutilations génitales féminines au sérieux. Pendant longtemps, les procureurs renvoyaient ces affaires devant le tribunal correctionnel, juridiction réservée au jugement des délits. Alors que, selon le Code pénal, les mutilations sont des crimes relevant donc de la cour d’Assises. Pour résumer, couper un doigt était jugé comme un crime, couper un clitoris et/ou un morceau de vulve était jugé comme un simple délit… Grâce à Me Weil-Curiel, qui se constituait partie civile dans tous les procès de mutilations sexuelles féminines, la Cour de cassation a fini par reconnaître, le 20 août 1983, le caractère criminel de ces mutilations. Depuis cette date, celles-ci sont jugées par une cour d’Assises comme les autres crimes.
Selon les cultures, différentes explications ont été avancées. Certaines populations pensent que le clitoris va pousser et empêcher les rapports sexuels. D’autres sont convaincues que le petit enfant est asexué et associent le clitoris à une partie masculine qu’il faudrait enlever pour que les filles deviennent femmes. La religion est fréquemment citée pour justifier les mutilations, même si les historiens font remonter la pratique de l’excision au VIe siècle avant J.-C., soit avant la naissance des grandes religions monothéistes – on a même retrouvé des momies excisées ! Mais l’argument que l’on entend le plus souvent est que les femmes non mutilées ont une sexualité incontrôlable, qu’elles sont forcément infidèles…
On s’approche là du véritable motif de ces pratiques. Car ne soyons pas dupes, il s’agit une fois de plus et avant tout de contrôler et de dominer les femmes.
Les mutilations génitales féminines ne se pratiquent pas seulement en Afrique, mais également dans certains pays du sud de l’Asie et du Moyen-Orient.
D’ailleurs, à une époque pas si lointaine, la clitoridectomie se pratiquait aussi en Europe pour des raisons « médicales ». C’est ainsi qu’au XIXe siècle, en Angleterre, le docteur Isaac Baker Brown prônait l’ablation du clitoris pour lutter contre la masturbation féminine (accusée d’être à l’origine de tout un tas de maux), traiter l’hystérie et d’autres troubles. En France, le docteur Paul Broca, dont un hôpital parisien et une zone du cerveau portent toujours le nom, défendait la cautérisation du clitoris pour des raisons similaires. Paradoxalement, à la même époque, certains médecins masturbaient leurs patientes pour soigner l’hystérie. Cela fonctionnait très bien mais c’était fatiguant. Un outil, baptisé « le marteau de Granville », créé à l’origine pour soulager les douleurs musculaires, a donc fini par être utilisé à cet effet. Ce serait le premier vibromasseur. Le film Oh my God raconte, de manière largement romancée, l’histoire de son invention.
Bref, il valait mieux bien choisir son docteur…
En France, le docteur Pierre Foldès, chirurgien urologue, a mis au point une technique de réparation des mutilations génitales féminines. Il a lutté pour rendre cette opération chirurgicale accessible à toutes les personnes qui le souhaitent. Grâce à ses efforts, la France est le seul pays dans lequel cette intervention est remboursée par l’assurance maladie. Le docteur Denis Mukwege, gynécologue congolais, a reçu le prix Nobel de la paix 2018 en récompense du travail qu’il mène depuis des années pour réparer les dégâts causés par les mutilations génitales féminines et les violences sexuelles, en particulier les viols de guerre.